Origines

L'entrée en piste des hommes volants

par Magali Sizorn

 

L’acrobatie aérienne ne fait pas exception : elle n’est pas une invention de la piste. Elle relève d’emprunts, d’adaptations, de transmutations. S’intéresser aux origines des « envolées acrobatiques circassiennes » conduit donc nécessairement à dépasser l’histoire du cirque moderne né avec Astley au XVIIIe siècle, sans pour autant proposer une histoire verticale des techniques et des usages, sans inventer non plus une tradition (Hobsbawm & Ranger, 1983) ou affirmer un universel, souvent invoqué lorsqu’il s’agit de décrire un envol conjugué à la possibilité d’une chute. Le cirque est d’abord un spectacle s’inspirant et s’emparant d’une multiplicité de cultures et techniques du corps (Mauss, 1950) dans des associations de numéros, voire des formes de métissage particulièrement fécondes dont témoignent les propositions des acrobates aériens.

Traverser la « substance infinie »

 

 

 

 

 

 

 

 

La sensation de liberté éprouvée le temps d’une suspension, comme un temps de vol possible, caractérise les pratiques aériennes et les imaginaires qu’elles induisent. Des formes très anciennes d’exploration de ce que Gaston Bachelard appelle la « substance infinie » sont repérables : balançoires en Grèce antique, danses de corde en Chine sous la dynastie des Han, laissent entrevoir des échappées aux contraintes terrestres. Les finalités de ces pratiques sont néanmoins extrêmement variées, inscrites dans rituels d’expiation ou de fécondité, formes d’élans vers le divin, spectacles ou plus banalement aussi, simples divertissements et plaisirs ludiques. En Europe, l’acrobatie au-dessus du plancher se développe principalement durant les fêtes et foires médiévales, jusqu’au XVIIIe siècle. On dénombrera à Paris soixante-dix troupes d’acrobates et danseurs de corde entre 1678 et 1787 (Jacob 2001-22), qui donnent à voir l’allégresse du jeu avec la pesanteur, l’exploit de vaincre des équilibres fragiles, l’extraordinaireté de la légèreté.

« Dans le règne de l’imagination, l’air nous libère des rêveries substantielles, intimes, digestives. Il nous libère de notre attachement aux matières : il est donc matière de notre liberté. »
Gaston Bachelard, L'Air et les Songes, 1992 [1943], p. 175

Philip Astley, qui s’associera ponctuellement à Antonio Franconi à partir de 1788, intègre dès les premiers temps de son Astley’s Amphitheatre, à Londres, à la fin des années 1770, les exercices des danseurs de corde aux programmes de ses spectacles : les formes « aériennes » se développent alors au cirque, ajoutant au théâtre équestre les prouesses acrobatiques, alors que les foires deviennent des espaces dédiés au divertissement, aux exhibitions, ou aux expositions commerciales.

Exposer des corps travaillés : l’influence des gymnastiques

À partir de 1850, les premiers exercices de trapèze fixe et d’anneaux font leur apparition sur la piste, avec les frères italiens Francisco, applaudis à Londres en 1852. Après avoir fait la part belle au travail équestre et aux pantomimes jusqu’à la première moitié du XIXe siècle, les programmes de cirque vont désormais s’appuyer sur d’autres exercices, issus cette fois-ci des gymnases.
Certes, l’origine du trapèze n’est pas que gymnique : là encore, les emprunts, filiations, inventions sont complexes. L’invention du trapèze, du grec trapezion, petite table, agrès récurrent des gymnases antiques, est ainsi fréquemment attribuée au monde des saltimbanques, qui déclinèrent les exercices de corde, devenue volante, sur un agrès composé d’une barre horizontale suspendue par deux cordes rassemblées en leur sommet : le triangle mouvant (Strehly 1903 ; Thétard, 1947). Ce triangle sera repris par Phokion Clias dans sa méthode de gymnastique, la « Callisthénie », méthode composée d’exercices simples, modérés et destinés aux jeunes filles. Mais c’est le colonel Francisco Amoros qui revendique finalement l’invention du trapèze dans sa forme actuelle (une barre horizontale suspendue à deux cordes verticales) : sa méthode s’appuie sur une gymnastique utilitaire, appareillée, visant le renforcement musculaire et moral.
En France, l’institutionnalisation des gymnastiques au XIXe siècle est alors en marche, à l’école et à l’armée, deux espaces particulièrement convoités dans un contexte de concurrence des pratiques corporelles (Defrance, 1987). Des salles privées ouvrent à Paris et dans les grandes villes françaises. Seront aussi créées, dans un contexte post-1870, de nombreuses sociétés de tir et de gymnastique qui poursuivront le développement de ces méthodes et de la pratique gymnique.
Le cirque va alors mettre en spectacle ces exercices d’un genre nouveau, à potentiel spectaculaire : anneaux, barres fixes, trapèzes. Aux côtés des Hercules de foire, les « gymnasiarques » contribuent à faire du cirque un espace de valorisation de la beauté (Andrieu, 1993), une beauté virile notamment dont témoignent les photographies et cartes postales d’acrobates de blanc vêtus, aux corps maîtrisés et travaillés, aux moustaches soignées et torses bombés. Les poses adoptées rappellent tout à la fois la statuaire antique redécouverte et l’inscription des pratiques de cirque dans l’histoire des gymnastiques éducatives. Les exercices utilitaires des méthodes de gymnastique comme du culturisme naissant sont alors détournés au profit d’une autre logique : celle du spectacle.

 

Spectaculariser l’exploit : les ailes du frisson

Les entrepreneurs de spectacle ont contribué au succès du cirque et à sa légitimation dès la fin du XVIIIe siècle en s’appuyant sur les principes de malléabilité de la programmation et d’innovation dans les procédés de mise en scène (Hodak, 2006).
Une de ces innovations, majeure dans l’histoire du cirque, est celle du trapèze volant, dont le premier numéro, Les Merveilles gymnastiques, La Course aux trapèzes, sera présentée en 1859 à Paris par Jules Léotard (1838-1870). L’installation, pensée à Toulouse dans la salle de gymnastique amorosienne dirigée par Jean Léotard, son père, permet de voltiger « de bâton à bâton ». Les trapézistes donnent alors « des ailes au cirque » et vont s’engager dans une course aux exploits et une valorisation de l’excès rappelant les valeurs coubertiniennes (Andrieu, 1990). L’usage circassien du trapèze se développe dans la seconde moitié du XIXe siècle dans un contexte de sportivisation des pratiques corporelles (Vigarello, 2002) et le trapèze de spectacle se détache de toute visée utilitaire.

Avec le développement de l’acrobatie aérienne et l’invention du trapèze volant, plusieurs innovations vont contribuer à renforcer la production d’émotion dans un programme construit notamment sur la ritualisation d’une prise de risque et sa mise en spectacle.
À la fin du XIXe siècle, les principaux agrès aériens sont créés : la barre et le trapèze fixes, les anneaux, la corde et le trapèze volants (avec le passage de la voltige de bâton à bâton à la voltige au porteur), le trapèze Washington, auxquels s’ajoutent d’autres associations entre agrès gymniques et innovations technologiques notamment (comme les trapèzes suspendus à des Montgolfières). C’est aussi à cette époque qu’apparaissent les attractions sensationnelles : flèches humaines et autres femmes canons.
La spectacularisation repose alors sur une complexification des techniques du corps et surtout sur une mise en visibilité – soulignée – de la difficulté et du danger, participant de la « convention tacite » unissant acteurs et spectateurs : la mort fait désormais partie du jeu (Caillois, 1958).

 

Repères et références

par Christian Hamel

La corde. Sur des gravures du XVIIIe siècle, on peut voir des funambules varier leurs exercices en se suspendant à leurs cordages pour exécuter des figures en ballant. C’est la première forme du travail aérien au cirque. Elle a donné naissance à la corde volante, spécialité rare aujourd’hui, illustrée par le Tchèque Dewert : il se lançait dans le vide, les chevilles prises dans sa corde et exécutait en ballant des souplesses de contorsionniste.
Pendant longtemps, la corde verticale ou corde lisse fut, avant tout, un moyen d’escalade. Aux Jeux Olympiques  de 1896 à Athènes, une épreuve de vitesse et de hauteur avait été organisée mais, au cirque, la corde verticale fut mise en valeur dès 1860 par les sœurs Nathalie, Léontine et Blanche Foucard dont le père, moniteur du Prince Imperial, tenait un gymnase rue du Bac. Elles s’illustrèrent également au trapèze tout comme Leona Dare (Adèle Stuart) surnommée la Princesse des Antilles qui accrochait son trapèze au ballon d'Eduard Spelterini pour s’y suspendre par la mâchoire. C’est aussi par la mâchoire qu’elle se suspendait à un crochet pour descendre le long d’un câble incliné à 45°. En attachant un anneau de cuir à la corde (le staffe), des artistes ont multiplié les dislocations de bras comme la tragiquement célèbre Lilian Leitzel qui mourut le 15 février 1931 des suites d’une chute survenue deux jours plus tôt à Copenhague au cours de cet exercice. D’autres comme Tosca de Lac ou Chrysis Delagrange ont choisi la grâce des postures aériennes inspirées de la danse. Les Russes ont donné le nom de « corde de parèle » (ou de péril !) à cet agrès pour lequel, en 1987, Nikolaï Chelnokov présenta des propositions nouvelles avec plusieurs niveaux d’enroulements, de planches ou de lâchers. Plus tard, cet artiste créa le filet aérien pour son fils Anton. Le travail en duo à la corde fut inauguré par Elena et Zaida Chevtchenko dans les années 1970. Depuis, des couples comme le duo Vitaly et Oxana Bobrov ou Maxim Kozlov et Inna Mayorova on porté à la perfection le niveau acrobatique en respectant l’harmonie des compositions.

Le trapèze. L’invention du trapèze a donné le vrai départ de l’acrobatie aérienne. C’est le Colonel Amoros qui en revendique la création dans son Manuel d'éducation physique, gymnastique et morale (1834), faisant toutefois remarquer que la paternité en revient à des funambules italiens. Avant lui, le Suisse Phokion-Heinrich Clias créa le « triangle mouvant » où un bâton était suspendu à deux cordes réunies à leur sommet pour former un triangle, celles du colonel étaient éloignées dans leur accroche pour former un trapèze. Plus tard, dans la forme définitive, elles furent parallèles.
Le trapèze a été utilisé soit fixe, soit en ballant. Il permet des équilibres, des lâchers par les pointes de pied ou les talons, par la nuque ou les reins, des échappements rattrapés parfois avec pirouettes aux jarrets, aux chevilles ou aux talons. Il a révélé des personnalités comme Winnie Colleano et Fritzi Bartoni qui réussissaient un extraordinaire plongeon en avant rattrapé au dernier moment par les talons (sans longe bien entendu).
Une école française régna sur les pistes mondiales dans les années 50 avec, entre autres, Miss Elsane, Betty Stom, Maryse Bégary et Andrée Jan.
De Russie arriva dans les années 80 une génération de prima donna qui associaient la grâce du Bolshoï aux rigueurs de l’acrobatie aérienne : Elena Panova, Marina Golovinskaya ou Natalia Jigalova. Tamara Khurshudova tournait un casse-cou rattrapé à la barre du trapèze, performance réussie actuellement par Nikolay Kunz. D’autres comme Uuve Jansson ou Lisa Rinne ont encore poussé plus loin les limites de la discipline mais avec la complicité d’une longe et de protections aux cuisses, aux chevilles ou aux jarrets.

La voltige aérienne. Les premières images d’un acrobate lancé dans les airs entre deux agrès remontent au milieu du XIXe siècle. C’est le Toulousain Jules Léotard qui, le premier, exécute des passages d’un trapèze à un autre trapèze. Il avait mis au point cette technique au gymnase de son père et la donne pour la première fois en public à Toulouse, salle Montesquieu, le 5 février 1859, avant de se produire au Cirque Napoléon, à Paris, le 12 novembre de la même année. Les matelas destinés à réceptionner les chutes sont vite remplacés par un filet de protection plus facile à installer. Dès 1834, le colonel Amoros utilisait cette protection pour ses agrès aériens. Vers 1855, Thomas Hanlon avait présenté une forme de voltige, l’Échelle Périlleuse, où il s’élançait d’une barre pour se rattraper à une corde verticale. On peut aussi évoquer le duo Hiram Day et Davis qui s’élançaient entre deux cordes volantes au cirque Nathan Sands and Co en 1856.
Léotard donne une forme universelle au trapèze volant et dès sa création son numéro est abondamment copié. Son originalité est était de donner une continuité des exercices pour lesquels un relanceur facilite les allers et retours. Peu après les Hanlon reprennent l’idée de Léotard, baptisée pour la circonstance Zampillaerostation.
Les Rizzarelli perfectionnent le numéro en s’élançant d’un tremplin pour attraper les trapèzes. Par extension, des voltigeurs comme Onra (Emilio Maitrejean) et Lulu, s’élancent d’un canon pour être attrapés par un porteur.

 

Le cadre aérien. Certains placèrent deux trapèzes l’un sur l’autre pour permettre à un porteur placé en dessous de rattraper les chutes acrobatiques de son partenaire du dessus. De 1906 à 1912, Jeannie et Eddie Ward firent évoluer ce double trapèze avec des échappements rattrapés aisselles – pointes de pieds ou, plus difficile, pied à pied. Il faudra attendre 1944 pour voir encore évoluer ces exercices avec les Géraldos (Madeleine et René Rousseau) puis dans les années 1990 avec des Sud-Africains, les Ayak Brothers qui, en grand ballant risquaient les échappements et les sauts réservés jusqu’ici au cadre aérien, mais sans longe !
Le cadre a été inspiré par une version de la voltige des Hanlon de porteur à porteur. C’est une sorte de rectangle fixe où le porteur engage ses jarrets et se bloque avec les pieds. Cette spécialité bénéficia parfois d’une publicité morbide (Le saut de la mort !) avec les Clerans et quelques autres mais Joël Suty et Isona Dodero, formés au CNAC, ouvrirent la voie à des propositions nouvelles où chorégraphie et performance trouvaient un réjouissant équilibre. Le duo français Aragorn a aussi présenté une forme des plus achevées de cette discipline.
Les barres fixes aériennes fut introduites par Avolo en 1878 avec trois barres, le roumain Trojan Luppu ajouta deux barres supplémentaires au-dessus et cette version a connu beaucoup de succès avec les mexicains Rodriguez dans les années 1960-1970. Valentin Gneushev magnifia le travail aux barres aériennes en créant Perezvonyi (Le Carillon), sur une pièce symphonique de Valery Gavrilin, numéro inspiré par l’univers tourmenté de Dostoïevski, qui fut repris dans deux spectacles du Cirque du Soleil : Mystère (1993) et Alegria (1994), avec le concours de l’ancien associé de Gneushev, Pavel Brun, chorégraphe.

Course aux trapèzes, course aux exploits

Les premiers sauts périlleux d’un trapèze à l’autre avaient été réussis par Léotard, imité par Victor Julien et une femme nommée Azella. Dès lors, l’art du trapèze allait évoluer dans deux directions : l’une avec des sauts d’un trapèze à l’autre (bâton à bâton) et l’autre de trapèze à porteur. Le double de bâton à bâton fut l’objet d’une vive concurrence entre Niblo (Thomas Clarke), Bonnaire, Victor Julien et Edmond Rainat qui l’ont revendiqué tour à tour mais le dernier nommé est le seul qui l’ait réussi régulièrement devant témoins ; il réussit également le triple en répétition. Rainat et ses troupes furent au programme des plus grands cirques européens, ils inaugurèrent des formules nouvelles dans la disposition des agrès où les voltigeurs se croisaient dans l’espace. 
Une forme réduite de travail à petites distances avec un porteur au cadre et des voltigeurs souvent comiques comme Charlie Rivel est apparue dans les années vingt. Mauricius (Maurice Neuville) reste un des seuls à avoir réussi le double dans cette configuration de même que Stéphane Drouard, acrobate contemporain qui tourna aussi le triple de bâton à porteur.
Cette dernière formule, bâton à porteur, a réellement pris naissance en 1877 avec une troupe dirigée par le Marquis de Gonza qui, accroché à la barre par les crochets de ses bottines, rattrapait Azella, déjà évoquée, et un voltigeur nommé Lunardi. Avec cette disposition, Walter Silbon allait tourner en 1882 un double casse-cou (salto avant) rattrapé par son père Cornélius et en 1892 son frère Eddie un double saut périlleux (salto arrière) rattrapé par Toto Sigrist. La conquête du triple saut périlleux allait donner lieu à une extraordinaire saga parsemée d’accidents, de drames et d’éclatantes réussites.

 

 

En 1890 Mamie Jordan avait été la première femme à tourner un double saut périlleux rattrapé par son mari Lewis. C’est dans cette famille, celle des Flying Jordans, qu’une élève, prénommée Lena allait réussir le premier triple de l’histoire, d’abord de porteur à porteur (lancée par un porteur installé sur un trapèze pour être rattrapée par un autre porteur en ballant). Le 18 mai 1897, elle réussit le triple de bâton à porteur au Théâtre Royal de Sydney. Ces exploits ont pu être vérifiés durant les saisons 1897 à 1898. On attribue le premier triple masculin à Ernie Clarke, en 1910, qui travaillait en duo avec son frère Charles. On imagine la difficulté pour rattraper le trapèze au bon moment du retour. Outre le triple, Ernie Clarke réalisa le premier double avec pirouette et le fliffus (double saut périlleux avec une demi-pirouette rattrapée à la barre d’un trapèze tenue par le porteur).

Au début de 1937, Antoinette Concello fut la première femme à réitérer l’exploit de Lena Jordan au Detroit Shrine Circus avec Edward Ward junior comme porteur ! Le Mexicain Alfredo Codona a écrit la légende du triple en le réussissant régulièrement à partir de 1919 avec son frère Lalo comme porteur. Les films de l’époque nous ont laissé l’image de ses attitudes de danseur classique avec pointes de pieds tendues, torse cambré et une impressionnante maîtrise de ses évolutions. Son double et demi lancé jarrets à la barre n’a jamais été égalé. Jamais égalé non plus un exploit de cette époque, le passage en « majestic leap » des Melzoras, où un voltigeur tournait un saut périlleux (arrière) en croisant son partenaire, exercice dangereux parce qu’il fallait monter très haut pour ne pas se heurter. Le premier triple et demi fut réussi par Tony Steele rattrapé par Lee Stath, le 29 décembre 1962 à Durango (Mexique). L’américain Don Martinez reste aujourd’hui le seul à avoir réussi ce trick durant près de vingt ans. Un trick dangereux car en cas de mauvaise rattrape – par les pieds – la tête du voltigeur est très proche du filet et il y a peu de temps pour se rétablir. Don Martinez réussît également un autre exploit : le double et demi avec pirouette aussi délicat à rattraper car le porteur doit compenser la rotation du partenaire et qu’il s’agit là aussi d’une rattrape par les pieds.

Quadruple et plus encore

Le 10 juillet 1982 à Tucson (Arizona) le mexicain Miguel Vasquez tourna en public le premier quadruple de l’histoire avec son frère Juan à la rattrape. Il réussit également le triple avec une pirouette.
Réduire l’histoire du trapèze volant à la recherche du nombre de tours et de la complexité des saut périlleux serait injuste pour ceux qui ont enrichi la discipline à l’instar du russe Evgueny Morus qui fixa une balançoire sous la passerelle de départ pour permettre aux voltigeurs du numéro Galaktika de partir à la conquête des étoiles, thème du numéro. C’est également un Russe, Piotr Maistrenko, qui mit en scène un véritable ballet aérien, le numéro des Cigognes (The Flying Cranes) inspiré d’une célèbre chanson russe de Rasul Gamzatov où les soldats morts se transforment en cigognes. Plusieurs trapèzes et un filet utilisé comme une scène permettaient d’associer dramatisation et acrobaties aériennes en trois dimensions. Son autre création, les Borzovi, proposait des formes nouvelles de voltige aérienne dans le même esprit.
À Pyong-Yang (Corée du Nord) fut créée en 1952 une école de trapèze volant qui a fait évoluer la voltige aérienne en multipliant la disposition des agrès avec des barres fixes, des balançoires, des cadres supportant des porteurs debout, tenus au portique par une ceinture de cuir, ou des bascules. Kim Song Hui fut la première femme capable de tourner régulièrement le triple de bâton à porteur rattrapée par Kim Yong Nam. Vers 1992, Hong Gum Song réussit le quadruple, rattrapé également par Kim Yong Nam. En 2011, au Weltweihnachts Circus de Stuttgart un homme et une femme ont, pour la première fois, réussi dans le même numéro le quadruple, dans la formule classique du bâton à porteur. C’est également à Stuttgart en décembre 2013 que Han Ho Sung a tourné le premier quintuple de l’histoire d’un trapèze partant de très haut vers un porteur en ballant. Au même moment, à Amsterdam Pak Mi Gyong tournait quatre sauts périlleux lors de son vol de balançoire à porteur et la voltigeuse Kim Huang Mi effectuait pour sa part un vol de quatorze mètres de balançoire à porteur.